Nous travaillons depuis plusieurs années en République Démocratique du Congo, où le viol est utilisé comme arme de guerre, à accompagner de très jeunes enfants victimes et/ou nés du viol vers une reconstruction psychologique et un possible futur au sein de leur communauté.
Dans de nombreux pays, les violences sexuelles sont encore utilisées comme une arme de guerre dans le but d’humilier, d’infliger la terreur et de détruire les communautés. Elles provoquent des conséquences à très long terme pour les femmes, les jeunes filles et depuis peu, même les bébés. Le Docteur Mukwege (chirurgien, Prix Nobel de la Paix 2018) intervient par une chirurgie réparatrice auprès de ces victimes à l’Hôpital de Panzi dans le Sud-Kivu. Pour compléter sa prise en charge, Véronique De Keyser, Cathleen de Kerchove, Isabelle Durant et Marie-Dominique Simonet ont créé l’ASBL Les Enfants de Panzi et d‘ailleurs (EPA).
Une méthodologie holistique sur trois ans a été développée en collaboration avec l’Université de Liège (ULiège). Celle-ci est enseignée de manière continue aux équipes locales de psychologues et d’assistantes psychosociales.
L’équipe locale accompagne ces jeunes victimes de violences graves en utilisant la thérapie par le jeu. Outre cette thérapie de groupe, notre méthodologie inclut des thérapies individuelles, un accompagnement des mamans, un soutien aux familles et aux communautés locales. La prise en charge globale est complétée par un appui à la scolarité et des campagnes de prévention sur différents thèmes d’actualité en rapport avec l’égalité des genres et la prévention des conflits.
L’approche holistique d’EPA prend en compte non seulement l’enfant et son traumatisme, mais aussi la dynamique familiale et la dimension communautaire. Dès lors, elle permet à l’enfant de se reconstruire et de s’intégrer dans un environnement favorable. L’enfant et sa maman sont évalués à l’aide de différents tests psychométriques validés avant, pendant et à la fin de la thérapie. Les données récoltées sont analysées par l’ULiège et font l’objet de publications.
EPA forme et soutient les spécialistes médicaux et psychosociaux qui prennent en charge les victimes. À Panzi, les intervenants sociaux, les psychothérapeutes et le groupe appelé les “mamans chéries” font un travail extraordinaire.
Le staff est confronté à des enfants et des familles en détresse physique mais ne dispose d’aucun outil pour les accompagner et les soigner. Nous sommes en mesure de leur fournir des formations et de travailler avec eux sur les profondes cicatrices que le viol inscrit dans la tête comme sur le corps, et en particulier sur la résilience qu’ils rencontrent dans la culture locale.
Les visites à domicile permettent aux thérapeutes d’EPA de rencontrer l’enfant dans son environnement, d’assister à ses interactions avec ses proches, de proposer des psychoéducations en fonction des besoins et des interventions thérapeutiques individuelles si nécessaire.
Les premières visites servent à établir un lien de confiance non seulement avec l’enfant mais aussi avec sa maman. Cette alliance thérapeutique est essentielle pour le bon déroulement de la thérapie. Elle favorise la relation, la communication et assure un “mieux être” de l’enfant plus rapide.
Les plaines de jeux thérapeutiques sont organisées deux fois par mois dans chacun des villages. Elles regroupent des enfants nés du viol, avec des enfants victimes de violences sexuelles, ainsi que des enfants du village pour éviter toute forme de stigmatisation.
Chaque plaine de jeux thérapeutique explore un thème différent en fonction de la progression de la thérapie.
Lors de la première année, des activités seront organisées sur le thème de l’identité, l’attachement et la sécurité.
Pendant la deuxième année, les enfants auront l’occasion d’explorer les émotions, les différentes ressources, et des thèmes comme la culpabilité, la stigmatisation.
La troisième année, l’enfant est généralement prêt pour aborder son histoire traumatique et ensuite travailler à un futur possible.
Selon la Convention relative aux droits de l’enfant de 1989, tout être humain a le droit d’apprendre à écrire et à lire et, grâce aux connaissances transmises par l’éducation, à s’épanouir dans sa vie d’adulte, et à acquérir un développement moral et citoyen au sein de la société.
Les enfants victimes de traumatisme risquent d’éprouver des difficultés dans leur scolarité. En effet, parmi les symptômes de stress post-traumatiques fréquents, nous retrouvons les difficultés à la concentration, les troubles du sommeil, les reviviscences,… Ces symptômes doivent pouvoir être compris par le corps enseignant et accompagnés avec professionnalisme. Ces enfants blessés au plus profond d’eux-même doivent faire l’objet d’attention particulière pour réussir leurs études indispensables pour leur insertion future.
C’est pourquoi EPA aide les familles trop démunies pour payer la scolarité de leurs enfants, fournit des uniformes et du matériel scolaire, accompagne les parents et les enseignants pour leur donner les clés d’un soutien adéquat pour une scolarité réussie.
L’éducation de l’enfant permet aussi le développement social, économique et culturel d’une société.
Avant de pouvoir prévenir des comportements ou en responsabiliser les auteurs, il est nécessaire de sensibiliser. C’est ce que nous proposons avec ces ateliers de prévention auprès des leaders communautaires, religieux, des enseignants et des parents dans les villages de Kavumu et Bunyakiri. Nous créons des réflexions collectives sur le thème du jour, comme par exemple dans le cas d’une campagne sur l’égalité des genres : le dialogue est initié sur comment déconstruire les stéréotypes sexistes et faire évoluer le rôle de la femme dans la communauté.
Le pédagogue du projet mène ces campagnes de sensibilisation depuis quelques années déjà et les résultats se font doucement ressentir dans les familles comme dans la communauté. Si bien que nous envisageons à présent de toucher un public plus large grâce à un partenariat avec des radios locales.
L’expertise acquise en RDC et la reconnaissance de l’efficacité du protocole EPA intéresse de plus en plus d’ONG internationales. C’est ainsi que nous avons eu l’occasion de former des intervenants de terrain de plusieurs organisations en RDC mais aussi en Irak.
Plus récemment, un partage d’expérience a été possible avec Children born of war, une coupole d’associations actives auprès des enfants nés de viols perpétrés en temps de guerre ou de conflits. La conférence était organisée à Sarajevo – Bosnie Herzégovine en février 2023, en présence d’acteurs associatifs et d’acteurs publics, de victimes de différents conflits.
L’évaluation vise à avoir une compréhension globale de nos actions et d’apprécier le degré d’atteinte de nos objectifs. Elle permet aussi de démontrer l’efficacité et la pertinence de nos outils.
C’est pourquoi nous procédons à une évaluation régulière tant au niveau du fonctionnement de l’asbl que sur le plan des compétences de l’équipe ainsi que de l’évolution clinique des enfants.
Une évaluation régulière de notre asbl et de nos équipes permet d’adapter nos objectifs et les connaissances requises si nécessaire. Elle est donc indispensable.
Notre équipe en RDC est fréquemment évaluée autour de deux axes: les compétences et les connaissances.
Nos psychologues et assistantes reçoivent des formations régulières. Grâce à ces renforcements de capacités, l’équipe est outillée pour mieux accompagner les enfants et leurs familles. Ces supervisions permettent aussi aux psychologues de s’exprimer, de se sentir soutenues par l’équipe en Belgique et d’éviter de souffrir de stress vicariant.
Au début, au milieu et à la fin de la prise en charge EPA de trois années, les enfants passent des tests psychométriques. Il s’agit d’apprécier le niveau de stress post-traumatique, l’importance de la dissociation et le niveau de stress parental qui aura inévitablement une incidence sur le bien-être de l’enfant.
EPA a créé une application mobile à cet effet, afin de rendre cet exercice plus ludique.
Depuis sa création, EPA travaille en partenariat étroit avec des organismes internationaux et locaux. Notre asbl ne pourrait pas fonctionner sans l’implication de ces acteurs. Nos partenaires nous permettent de renforcer notre champ d’action et notre expertise. L’asbl est d’ailleurs fondée sur un partenariat avec la Fondation Panzi, après la demande de prise en charge des enfants nés de viols du Docteur Mukwege à l’hôpital de Panzi.
EPA travaille en partenariat étroit avec la fondation Panzi RDC est l’employeur de l’équipe locale EPA. Elle fournit la logistique et les connaissances nécessaires à la bonne réalisation du programme EPA.
Notre coordinatrice de projets est basée dans un bureau de la Fondation Panzi, elle peut à tout moment s’appuyer sur l’aide des autres piliers de la fondation et être épaulée dans l’organisation de ses visites de terrain. Les équipes dans les villages sont également soutenues non seulement par la coordinatrice du programme, mais aussi par d’autres antennes de la Fondation Panzi dans les villages, comme les cliniques juridiques.
La fondation Panzi USA coordonne les différents partenaires et aide dans la recherche de fonds.
L’asbl a eu des accords de partenariat avec la fondation Mukwege pour donner des formations en Irak en 2022.
Depuis sa création, EPA est appuyée par la Fondation Roi Baudouin (Belgique et USA).
Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Université de Liège (ULiège), notamment pour la validation de notre méthodologie holistique.
